Qui souffle dans le bambou?

Les herbes dansent à peine, en silence une barque glisse tout doucement parmi les ajoncs. Quelques silhouettes d’oiseaux traversent le ciel sans prêter attention aux bataillons de nuages en migrations. De rares fuseaux de lumière pâle peinent à percer l’armée immense de la nuée,  quelques canards invisibles, parfois, brisent brièvement le silence.

Debout sur un improbable esquif un fantomatique pêcheur lance son filet. Tout est lent, le temps semble ici se reposer de sa course sans fin. La voix du shakuhachi emplit tout l’espace, elle règne sur le grand marais, emprisonne les mouvements, absorbe tous les autres sons, fait de chaque seconde, de chaque geste, une brève éternité.

Qui souffle dansle bamboushakuhachi ?

 

 

Carillon

Dans l’air vif de la nuit le carillon à vent du jardin égrène sa mélodie aléatoire et glacée. La lune et haute, brillante, gibbeuse. Un épais tapis de neige, blancheur immaculée, sublime la pâle lumière nocturne et met en valeur la verte chorégraphie du bosquet de bambou animé par la bise polaire.

Dans le bleu sombre du ciel constellé d’étoiles minuscules, je rassemble les petites lumières de la voûte céleste, les déplace, les écarte, les rapproche, mon esprit dessine un visage. Souvenir lointain à demi effacé dont il ne reste que l’essence. C’est un plongeon dans un temps passé, lointain, secret.

De cette image issue d’un lointain autrefois, il n’y a rien que vous devez savoir, rien d’autre que ce portrait volé à la nuit, emprunté aux étoiles.

Les bambous frémissent et dansent sous la lune, un ballet vert sur un tapis blanc, lent, orchestré par le souffle discret et glacé d’une nuit d’hiver.

Sur ma vieille joue ridée par les ans une larme unique, figée par le gel.

visage dans le ciel étoilé